Continuité ou non ?

En février j'abordais lors d'une conférence l'influence du Maître Philippo Vadi de Pise sur l'escrime moderne.

On ne peut pas approcher cette discipline sans aborder sa théorie. Hélas, n'en déplaise à certains, la théorie en Escrime ne subit pas, ou très peu, de clivage entre elle et la technique gestuelle. Elle est indissociable de la pratique. Quand on est formé à l'école des Maîtres, on nous martèle le fait que notre savoir nous vient de nos anciens et de toutes ces générations de Maîtres d'Armes qu'il y a eu avant nous. Chaque Maître, par exemple, parlera de celui qu'il l'a instruit.

Mon premier maître, celui qui m'a dégrossi, est le Maître Bernard Maché-Roubakovich, il évoquait régulièrement le maître Chevrot etc. etc.

Mon deuxième maître, celui qui m'a poli, est le Maître Marie-Chantal Demaille, elle aussi m'a parlé de son Maître de père (Maître André Demaille) etc, etc,

Je suis le fruit d'une continuité et il est bien difficile de passer outre ce constat.

J'essaye quand j'ai une arme dans la main de respecter mes ainés et ce qu'ils m'ont transmis.

Le fil conducteur en Escrime c'est la leçon individuelle. A Chatenay Malabry, le maître Kervroedan la comparait à un laboratoire de précision. C'est exact, mais cette manière d'enseigner est typique de l'escrime ! Elle permet outre le fait de travailler et d'éprouver sa gestuelle, d'expérimenter les différentes situations théoriques que nous étudions dans les traités.

Les traités anciens sont magiques ! Loin d'Harry Potter, Gandalf et autre Raistlin pour les amateurs, la magie qui s'y dégage, demeure dans la palpitante découverte qu'il y a plus de 500 ans maintenant les Maîtres d'Armes Italiens commençaient à étalonner la théorie de l'escrime.

Lors de cette fameuse conférence, j'ai fait le parallèle entre les définitions du Maître Vadi (XVème siècle) et celles que j'ai apprises (XIXème et XXème siècles) lors de mon cursus commando de 4 ans .

Vous trouverez ci-dessous quelques morceaux choisis, ce sont les définitions principales qui palpitent au coeur même de l'escrime. La gestuelle a évolué, évidemment, car les armes ont évolué. La théorie a été éprouvée, étoffée mais l'essence demeure et c'est en ce sens que j'affirme qu'il y a bien eu continuité. Je ne dis pas que seul un Maître est à l'origine, mais TOUS LES MAÎTRES ont contribué au savoir que je partage avec mes confrères aujourd'hui.

En escrime moderne le temps et la mesure sont indissociable. Le Maître n'emploie pas "ou" mais "et"

Le demi-temps (Mezzo-Tempo) donne toute sa valeur au temps d'escrime.

Appelée aussi développement, la fente est une donnée technique qu'on utilise encore en escrime.

La prise de fer... même si la réalisation technique est différente l'esprit reste le même.

Maîtriser le fer jusqu'à la finale de l'action. Ne jamais perdre son chemin.

J'aime beaucoup celle-ci également...

Vous l'avez compris, et ce ne sont que quelques exemples.

Mais il y a bien eu, hélas, continuité/évolution et non rupture entre la théorie italienne de l'escrime et la théorie de l'escrime dite moderne.

Olivier PATROUIX-GRACIA

Maître d'Armes

Membre de l'Académie d'Armes de France