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Le Champ Clos Catalan
13 octobre 2014

HISTOIRE DE S'ECHAUFFER UN PEU !

academie-armes

En ce début de semaine morne et pluvieux, assez rare en Catalogne il faut le préciser, je ne résiste pas à l'envie pas de partager avec vous quelques petits extraits de ces excellents traités de la fin du XIX° siècle que sont l'Escrime et le Duel écrit par les sieurs Jollivet et Prévost et le manuel militaire d'escrime. L'un et l'autre ne sont pas sans rapport. Rappelons-le, cette période voit la naissance en 1882 de la Société d'Encouragement à l'Escrime (ancienne dénomination de la FFE) et bien entendu la renaissance en 1886 de l'Académie d'Armes de France. Outre la théorie exposée par Camille Prévost et l'exposition des règles du duel par G. Jollivet, ce sont quelques lignes par-ci, par-là qui ont attiré mon attention. 

[...] Créée par privilège Royal en 1567 et placée sous l'égide du patron mémorable de l'escrime, Saint Michel, cette Compagnie arriva à son apogée sous Louis XIV, qui confirma les règlements et statuts établis par ses prédécesseurs et accrut encore ses nombreux privilèges. [...] Cette académie d'Armes disparut sous la révolution au moment de la suppression des jurandes et des maîtrises.

Elle a reparu en 1886, avec ce programme :

- Créer un centre commun d'études pour les Maîtres et établir de fréquents rapports entre eux.

- Veiller à la dignité de l'enseignement et aider par tous les moyens à la prospérité de l'Art des Armes. [...]

Deux points sont importants a soulever, le premier, quelques dates explicatives concernant cette période et bien entendu en deuxième, le programme de l'académie lors de sa restauration.

Tout d'abord, c'est le Décret d'Allardes de mars 1791 qui supprime les corporations, dont celle des Maîtres d'Armes. Cependant, le titre est conservé. Sous le Premier Empire, la pratique de l'escrime est largement répandue dans l'armée, où chaque régiment a son maître d'armes. Facultative en 1815, l'escrime est de nouveau obligatoire dans l'armée en 1824, puis redevient facultative en 1834. D'ailleurs, on retrouve toujours le titre de Maître inscrit sur les brevets de Pointe et de Contre-Pointe, de cette époque. Sous la Restauration, la liberté d'installation permet à de nombreux vétérans de l'armée d'ouvrir leur propre salle d'escrime.

Cf. légende en fin d'article

 

Cf. légende en fin d'article

 

L'escrime connaît un regain de faveur à la fin du second Empire et surtout après 1870. En 1869, Napoléon III réinstaure l'instruction obligatoire de l'escrime aux soldats. En 1877, un règlement complet prévoit de rendre l'escrime à l'épée obligatoire dans la cavalerie et l'infanterie, et l'escrime au sabre obligatoire dans la cavalerie et facultative dans l'infanterie.

Extrait du dit - Manuel d'escrime - Édité par le Ministère de la guerre en 1877 :

" Circulaire Ministérielle du 7 mai 1875

L'enseignement de l'escrime est obligatoire et gratuit et réglé au tableau de service journalier par compagnie.

Dans chaque casernement, une salle d'armes spéciale est affectée aux officiers qui doivent s'y livrer à des exercices réguliers et journaliers pour donner aux troupes l'exemple du goût de l'escrime.

A cet effet, le maître d'armes et les prévôts sont mis à leur disposition à des heures fixées par le chef de corps ou de détachement qui doit chercher à mettre les armes en honneur, en encourageant les assauts publics et en engageant les officiers à y assister, à y participer même pour leur donner plus de solennité.

Dans chaque compagnie, escadron ou batterie détaché ou formant corps, la surveillance et la direction de l'enseignement sont exercés par le capitaine commandant.

Dans chaque régiment, la direction est exercée par un capitaine et la surveillance générale par un officier supérieur.

Le personnel enseignant est constitué conformément aux indications des tableaux annexés aux lois du 13 mars et du 15 décembre 1875, sur les cadres de l'armée, et à la circulaire ministérielle du 17 juin 1876, sur l'organisation du service de l'escrime dans les escadrons du train des équipages militaires."

Le développement de l'escrime en France dans cette fin de siècle est intimement lié à l'armée. La défaite de 1870, laisse un goût amer à la majorité des Français. L'escrime devient aussi un véhicule d'orgueuil patriotique, et la Salle d'Armes un récipient des couleurs nationales, de l'honneur, du respect, de la patrie (Je n'ai pas dit la famille, que les choses soit bien claire). Pour exemple et toujours issu du Manuel d'escrime de 1877, voici dans son intégralité le chapitre nommé :

Tenue et discipline des Salles d'Armes

Devoirs des Maîtres et des Prévôsts.

Les maîtres et prévôst doivent avoir à coeur de tenir constamment la salle d'armes dans le meilleur état de propreté, et de rechercher à  la décorer à l'aide de panoplies ou de faisceaux de fleurets, de masques et de gants, surmontés de panneaux ou écussons en carton ou en bois, rappelant les batailles et les combats auxquels le régiment, le bataillon ou l'escadron a pris une part glorieuse ; ou en mettant en évidence de noble devises, telles que :

HONNEUR ET PATRIE. VAILLANCE ET DISCIPLINE. COURAGE ET DÉVOUEMENT. GLOIRE A DIEU. RESPECT AUX MAÎTRES. HONNEUR AUX ARMES. VIVE LA FRANCE, etc.

Ils doivent s'attacher à faire toujours observer dans la salle l'ordre, la courtoisie, la décence et les marques de respect prescrites par le service intérieur ; empêcher d'y fumer et exiger qu'on y entre que découvert.

Ils ont soin de prévenir les querelles ou de les apaiser et de n'intervenir jamais que dans un but de conciliation, au nom de la confraternité militaire.

Ils ne tolèrent jamais qu'on fasse assaut hors de leur présence et sans leur autorisation, qu'ils doivent accorder qu'avec prudence et discernement, et seulement dans l'intérêt de l'instruction.

Ils doivent suivre avec attention toutes les péripéties des assauts qu'ils ont autorisés, de façon à pouvoir, après la belle et le salut final, faire remarquer les fautes commises, indiquer comment on aurait pu les éviter et signaler à chacun des adversaires les défectuosités caractéristiques de son jeu et les moyens d'y remédier.

Ils doivent, en toute circonstance, donner l'exemple d'un langage calme et mesuré, d'une tenue correcte et brillante, d'une conduite loyale et irréprochable et d'un maintien digne et fier, imposant le respect de l'uniforme et inspirant l'estime et la considération pour leur propre personne.

Ce qui est certain, c'est que la discipline "escrime" se voit grandement encadrée, normalisée et soutenue par l'état et ses militaires. Sûrement en lien avec la loi de 1884 de Waldeck-Rousseau, l'Académie d'Armes de France renaît donc de ses cendres, après 95 ans d'inactivité. Les Maîtres d'Armes se réorganisent donc en corporation avec plusieurs objectifs, dont ceux précédemment cités et la volonté de préserver la/les tradition(s). Un bien grand mot, quand on constate avec quelle vitesse le "jeu" conjugué à la technologie électrique a transformé (je n'ai pas dit perverti) la technique. Malgré tout l'essence de la théorie demeure la même. Voilà ce qu'écrit Jollivet concernant les traditions :

"Parmi les traditions qu'à fait revivre l'Académie d'Armes, écrit le professeur Vigeant dans son excellent Almanach de l'escrime, il faut citer celle du banquet de la Saint Michel, qui a eu lieu pour la première fois le 29 janvier 1888. A cette fête de l'épée, il a été donné une première consécration au nouveau salut des armes présenté par le Comité et publié peu après par ses soins."

Plus loin dans le traité, Camille Prévost revient sur le Salut en citant l'Académie en ces termes :

"Gomard, enfin dans son traité, recommande pour l'élève déjà formé l'exercice du Salut, qui lui donnera de la grâce et de l'aisance.

C'est ce Salut, exécuté jusqu'ici avec trop de variantes dans les différentes Écoles, que l'Académie d'Armes, il faut le répéter, a voulu unifier, simplifier, moderniser et vulgariser en présentant au public cet opuscule, qui est le résultat d'une étude approfondie."

Un peu plus loin dans l'ouvrage, toujours Camille Prévost décompose le Salut aux Armes appelé aussi Mur. Cet exercice est aussi présent dans le manuel militaire. Sa description nous éclaire sur l'utilité de cet exercice :

"Art. VI. - Mur et Assaut (p85 du Manuel Militaire)

Le mur est le prélude de l'assaut ; il consiste en quelques dégagements et parades de convention exécutées avec la plus grande régularité, pour préparer la main et les jambes. Il est accompagné d'un salut adressé à la galerie et à l'adversaire. Le mur et les saluts s'exécutent à deux, de la façon suivante : [...]"

A l'évidence, le mur est une activité physique et technique qui prépare le tireur à l'assaut, un peu comme le ferait de nos jours l'échauffement général et spécifique. Comme annoncé, Prévost décrit l'exercice du Mur :

LE SALUT DES ARMES

LE MUR

Le salut est le prélude de l'assaut.

Il a pour but de permettre au tireur de remplir un devoir de politesse envers son adversaire et la galerie, et aussi de faire valoir ses qualités de correction et d'élégance.

Il consiste en un certain nombre de mises en garde, de saluts de l'épée, de dégagements et de parades simples dans les lignes hautes. [...] Le nom de Mur a été primitivement donné à l'exercice analogue à celui des contres, exécuté de pied ferme comme si l'on tirait contre un mur. L'idée vint ensuite d'y introduire les saluts au public et à l'adversaire, et on en fit, après diverses simplifications, le mur actuel, qu'il est plus juste d'appeler désormais le "Salut" ou mieux le "Salut des Armes".

Aux vues de ces derniers éléments, on peut largement comprendre l'attachement actuel de L'Académie d'Armes de France à la tradition des Saluts. Sa résurrection au XIX° siècle est attachée aux valeurs martiales largement instrumentalisées par l'état, mais évidemment à ce code d'élégance, de courtoisie qui est véhiculé par la discipline. Finalement, le Mur ou le Salut aux Armes est un exercice chorégraphié permettant à l'escrimeur éduqué du XIX° siècle de se préparer à l'assaut. La donnée incontournable qui saute aux yeux, c'est que les Militaires ont codifié cet exercice et qu'il apparaissait alors incontournable et surtout obligatoire ! Le fait que l'escrime se soit démocratisée au fur et à mesure du temps, que les sciences du sports aient pris une place également importante dans son enseignement, a implicitement fait disparaître cette méthodologie pédagogique qu'incarnait le "salut aux armes".

L'escrime n'a eu de cesse d'évoluer. En tombant dans le domaine sportif, et demeurant toujours aussi confidentielle, elle s'est faite voler la vedette par d'autres disciplines tellement plus exotiques comme le Judo, le Karaté, etc. des disciplines martiales plus adaptées à la self défense moderne (mains nues), au parfum mystérieux et parfois ésotérique. Dans son histoire, l'escrime s'est rapprochée plus tardivement du "public" que toutes ces disciplines. Rappelons que l'épée Féminine est inscrite au programme des JO d'Atlanta en 1996 et que le sabre toujours dans la même catégorie nous a salué en 2004 depuis Athènes ! La discipline reste quand même onéreuse en équipement, faites la comparaison entre le prix d'un kimono et l'équipement d'un tireur et vous comprendrez le facteur premier d'une douce évolution comparée aux autres pratiques d'oppositions bien plus abordables. L'escrime évolue et s'adapte au monde qui l'entoure. Cependant, le sportif, les médailles, ont obnubilé certains responsables, laissant un peu de côté (c'est ironique), le côté martial. A passer ainsi plusieurs décennies à regarder par la lorgnette de notre spécialité immaculée, nous n'avons pas vu l'apparition foisonnante de ces nouvelles pratiques qui fleurissent aux quatre coins de France et d'Europe. Elles font partie de notre histoire et en partie de notre discipline. Est-ce que nous arriverons à prendre le train de l'évolution en marche, qui ma foi commence à prendre un peu de vitesse ? L'Académie, garante de l'éthique de l'enseignement de l'escrime et de son esprit martial, sera-t'elle relever le défi ? La Fédération Française d'Escrime, dans son rôle de médiatrice étatique saura-t'elle se positionner sagement pour accueillir cette évolution des pratiques ?

 

 

 

 

Légende Brevet de pointe :

Gloire à la France (h.m.) ; Tous les Français sont frères et doivent donner leur sang pour le salut de la Patrie (h.g.) ; Protéger, défendre et secourir les faibles en tout temps comme en tout lieux (h.d.) ; Tout pour la France (dans le filet à g.) ; Honneur à la France (dans le filet à d.) ; Fraternité, courage et concorde (dans le filet b. m.) ; Nous soussignés maîtres et professeurs nous déclarant être réunis aujourd'hui à l'effet de reconnaître M. Goetz, voltigeur au 71e régiment. Elève de M. Falconi 1er Mtre en qualité de maître et après vous être rassuré de ses talents et connaissances, nous nous avons délivré le présent. Nous invitons nos frères d'armes à lui prêter aide et secours promettant réciprocité de notre part sur leur recommandation. Fait à Vannes le 20 novembre 1848. (b.m.)

Légende Brevet de Contre-pointe :

Respect aux maîtres (dans un écusson h.g.) ; gloire et patrie (dans un écusson h.d.) ; 39e Régiment d'Infanterie de ligne / Nous soussignés, Maîtres et Professeurs d'Escrime, déclarons nous être réunis aujourd'hui à l'effet de reconnaître M. Gaspar François Louis IIe bataillon 4e compagnie élève de M. Jolivet Grenadier 1er bataillon en qualité de maître et après s'être par nous même assurés de ses talents et connaissances et lui avoir rappelé que la prudence et la modération doivent être les qualités de celui qui professe notre art, nous lui avons délivré le présent. Nous invitons nos amis et frères d'armes à lui prêter aide et assistance au besoin, permettant réciprocité de notre part sur leur recommandation. Fait à Douay le 19 Janvier 1834 (b. sous le dessin) ; signatures (sous le texte)

 

Livres cités :

L'Escrime et le Duel - C.Prévost & G. Jollivet - Bibliothèque du Sport - 1891

Manuel d'Escrime - Ministère de la Guerre - 1877

 

Article écrit le 27 septembre et édité le 13 octobre avec autorisation de l'Académie d'Armes de France.

 

 

 

 

 

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